- PARSIS
- PARSISParsis, c’est-à-dire «persans», est le nom donné aux mazdéens vivant en Inde, principalement dans la région de Bombay. Au nombre de 200 000 environ en 1980, les Parsis forment une communauté prospère, particulièrement influente au point de vue économique, cependant que s’y maintient l’essentiel des croyances et du culte mazdéens, réformés par Zarathushtra (Zoroastre). Ils ont édifié de nombreux temples du feu où ont lieu des cérémonies liturgiques, telles que la célébration du sacrifice avestique, le yasna . On y récite aussi, chaque jour, les g th , hymnes légués par Zarathushtra. En outre, la vie rituelle est scandée par des prières et purifications quotidiennes à la maison, par un bain lustral la veille du Nouvel An parsi, etc. À un âge qui varie entre sept et quinze ans, garçons et filles sont solennellement introduits dans la vie religieuse et dans la société des adultes par un rite de passage, le naojote , semblable à l’upanayana hindou. Le mariage est obligatoire pour tous les Parsis; il assure la continuité de la communauté mazdéenne, et c’est pourquoi les deux conjoints doivent, en principe et sauf accommodements, appartenir à la communauté. Après la mort, le corps du défunt est conduit aux fameuses tours du silence et sa chair dévorée par les vautours.C’est grâce aux Guèbres restés en Iran et aux Parsis émigrés en Inde, notamment à leurs prêtres, les dastours, que l’Avesta, leur livre saint, est parvenu jusqu’à nous. Dépositaires des Écritures mazdéennes, les Parsis continuent de s’y conformer. Ce fait permet, en raison d’affinités entre la tradition mazdéenne et la tradition hindoue, entre la langue avestique et la langue sanskrite, de pressentir en certains cas ce qu’ont dû être la civilisation et la religion des Indo-Iraniens avant leur éclatement en deux groupes distincts.L’implantation des Parsis en IndeIl y eut, tout d’abord, des comptoirs maritimes fondés par des marchands iraniens et qui s’échelonnaient du golfe Persique et de la mer d’Oman jusqu’en Chine, où Canton posséda un temple du feu. Ceux d’entre eux qui se situaient sur les côtes de l’Inde, dans la région des bouches de l’Indus, furent donc l’amorce de ce qui allait être l’immigration parsie. Celle-ci se produisit à la fin du VIIe siècle après J.-C. Lorsque l’Iran, à cette date, fut définitivement soumis aux conquérants musulmans, une petite minorité de mazdéens constitua des foyers de résistance très localisés mais tenaces, désignés par les musulmans sous le nom de Gaur (en français: Guèbres); quelques milliers subsistent encore aujourd’hui du côté de Yezd et de Kerm n. Et, tandis que le plus grand nombre se convertissait à l’isl m, une fraction, fuyant l’impôt (jizya ) levé par les musulmans sur les infidèles, vint s’établir dans la péninsule de K thi w r, au nord-ouest de l’actuelle Bombay.La légende raconte qu’ils auraient pris le départ après la mort du dernier empereur sassanide Yazdakart III, assassiné à Merv en 651. Emportant avec eux le feu sacré, ces familles iraniennes auraient voyagé par mer, naviguant à la grâce de Dieu, et auraient débarqué à Dv rak dans la péninsule de K thi w r, pour se fixer ensuite à Sanjan, en l’an 716. Quoi qu’il en soit, on trouve, dès les VIIIe et IXe siècles, des colonies mazdéennes assez importantes autour de Surat, au nord de ce qui deviendra Bombay. Les Parsis semblent avoir formé de petites communautés, paysannes par force, mais qui redeviendront commerçantes dès que l’arrivée des Portugais puis des Anglais leur en fournira l’occasion. Bourgeois et marchands, en même temps que fidèles dépositaires de la tradition mazdéenne réformée par Zarathushtra, les membres de ces communautés allaient s’affirmer face à trois éléments: face aux musulmans, tandis que ceux-ci progressaient dans leur conquête de l’Inde; face aux Européens et aux chrétiens, tout en ayant de bons rapports, notamment commerciaux, avec eux; face aux hindous enfin, tout en collaborant avec eux dans la double lutte d’indépendance que ceux-ci eurent à mener contre les musulmans puis contre les Anglais, en se faisant reconnaître par eux comme une espèce de caste. Cette reconnaissance leur valut de pouvoir s’intégrer à la vie sociale indienne tout en y préservant leur originalité.La religionLa religion des Parsis est la religion mazdéenne, réformée et partiellement démythisée par Zarathushtra dans un sens éthique et monothéiste. À première vue, la caractéristique principale en est le culte du feu et les temples du feu. Pourtant, le dieu des mazdéens n’est pas le feu (atar ), mais le Seigneur sage (Ahura Mazd ), homologue de l’Asura Varu ユa védique. C’est parfois à travers le feu (qui n’est plus, depuis Zarathushtra, un dieu mais son symbole et témoin) que les mazdéens s’approchent de la lumière perpétuelle du Seigneur, le feu étant sa manifestation ou présence visible. Il est donc le médiateur entre l’adorateur et son Seigneur et, dans cette mesure, le feu est, en effet, sacré; c’est pourquoi on l’abrite dans un espace sacré: un vase de bronze situé lui-même dans la partie réservée du temple, l’adar n ou chambre du feu, accessible seulement au prêtre dont le bas du visage est masqué d’une étoffe blanche pour que son haleine ne vienne pas souiller la flamme. L’autre partie du temple, ouverte aux fidèles, est la salle du sacrifice (yazashna-g h ). Ce sacrifice est, en principe, une offrande de haoma (sanskrit soma ); il est célébré selon un calendrier liturgique, ou bien à la demande de fidèles, commanditaires du sacrifice.À côté de ce culte plus ou moins solennel, il existe un culte du feu domestique, tout comme dans l’hindouisme. En outre, un certain nombre de rites ponctuent la vie d’un Parsi, de la naissance à la mort. Cela commence même avant la naissance. Au cinquième mois de la grossesse, on allume une lampe de beurre clarifié (ghee ) dans la maison: «Puisse votre lampe rester allumée», puissiez-vous conduire votre grossesse à terme. L’accouchement a lieu à même la terre mère, dans un emplacement qu’un prêtre a consacré lorsqu’il s’agit d’un premier-né. Le principe demeure, bien qu’aujourd’hui beaucoup de femmes parsies accouchent en clinique. L’enfant reçoit trois noms: prénom, nom du père, nom de la famille. À l’âge d’un an, on le présente au temple. Puis, entre sept et quinze ans, intervient un rite de passage décisif, le naojote ou entrée dans la société des adultes, analogue à l’upanayana hindou. Mais, contrairement à ce qui se passe dans l’hindouisme où normalement c’est le mariage qui fait entrer la femme dans la société religieuse, les filles parsies ont accès au naojote . Cela n’est pas sans conséquence pour leur vie dans l’au-delà: si elles meurent avant le mariage, elles sont assurées d’un destin posthume autonome. Marque de cette initiation, le don d’une tunique blanche, le sudreh , et d’un cordon de laine noué à la ceinture, le k sti . L’initiation a lieu à l’aube, après un bain lustral et un court jeûne (n hn , en sanskrit sn na ). Un prêtre, venu dans la famille, récite avec l’enfant prières et profession de foi. Le tout est suivi d’une bénédiction, avec aspersion de grains de riz en signe de prospérité. Ce rite de passage est la condition nécessaire de l’entrée dans la communauté parsie. Sinon, passé l’âge de quinze ans, on fait figure de quasi-paria.Le mariage est également obligatoire. Comme dans la société védique, le premier devoir est de perpétuer la communauté. Les Parsis ne se sont pas laissé gagner par l’idéal de l’ascèse et du monachisme, comme ce fut le cas, en partie, pour les hindous, les bouddhistes et les jaïnistes. À haute époque, la religion mazdéenne recommandait le khetukdas , c’est-à-dire le mariage consanguin, entre frère et sœur, voire entre père et fille. De nos jours, les Parsis se contentent d’une consanguinité plus éloignée: le mariage entre cousins germains, avec cette nuance qu’il est non seulement toléré mais considéré avec faveur. Quant aux fiançailles, elles ont gardé longtemps une grande importance, conformément à ce qui se passait chez les Indo-Iraniens et même chez les Indo-Européens. La fiancée prenait, ce jour-là, le nom de son promis. Celui-ci venait-il à décéder, la jeune fille gardait son nouveau nom et était tenue pour veuve. Aujourd’hui, le «don du nom» (n mzad kardan ) a lieu, comme en Occident, le jour du mariage.Les Parsis ne connaissent ni enterrement ni crémation. Autant ils aiment la vie, autant ils ont une sainte horreur de la mort et du cadavre. De celui-ci on s’écarte comme d’une source d’infection. Sa décomposition est, d’ailleurs, l’œuvre d’un démon, la Druj-i-Nasush. Après avoir lavé et revêtu d’étoffes propres ou d’un suaire le corps du défunt et après avoir récité prières et mantra , la famille le fait transporter, aussitôt que possible, dans un cercueil de fer, vers les fameuses tours du silence (dakhm ). Celles-ci sont des bâtiments cylindriques fermés de tous côtés, sauf le sommet ouvert vers le ciel. L’intérieur est fait de terrasses circulaires, avec un puits central. C’est sur ces terrasses que sont exposés les cadavres, après qu’on les a dénudés, le visage tourné vers le ciel. Les vautours, qui attendent sur les rebords de la tour, ont tôt fait de les réduire à l’état de squelettes. Les os sont alors précipités au fond du puits. Seuls les croque-morts (nas s lar ), qui forment une corporation à part, peuvent avoir accès à l’intérieur de la tour. Jamais la famille n’y entre.L’âme du défunt est censée demeurer trois jours encore sur la terre, assise, dit-on, auprès de sa tête. Au matin du quatrième jour, elle s’en va vers le sud si ses œuvres ont été bonnes, vers le nord si elles ont été mauvaises. Elle rencontre D en , figure personnifiée de la religion mazdéenne, embellie dans le premier cas, enlaidie et puante dans l’autre. Cette figure entraîne l’âme vers un pont; l’âme juste franchit ce pont et entre dans la maison des Chants; l’âme corrompue, trahie par la D en qui est à son image, tombe dans les ténèbres froides de l’enfer.État présent et perspectives d’avenirLes Parsis ont simplifié leur rituel tant domestique que solennel pour l’adapter aux conditions de la vie moderne. Leur vocation de bourgeois commerçants les rendait, en effet, solidaires de celles-ci. Leur prospérité économique a été largement supérieure à celle de la moyenne des hindous, surtout depuis le XIXe siècle et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui encore, de grandes familles parsies comme les Tata détiennent une part importante de l’industrie et de la banque dans la région de Bombay, ainsi que de la compagnie Air India; elles ont fondé des hôpitaux, des écoles, des orphelinats, etc. À cet égard, les Parsis sont, en quelque sorte, les plus occidentaux des Indiens. On a vu comment, depuis leur implantation en Inde, ils ont fait front contre les musulmans aux côtés des hindous, puis comment, tout en nouant des relations commerciales avec les Anglais, ils gardèrent leur autonomie ethnique et religieuse. Reconnus comme une sorte de caste par les hindous, ils se sont intégrés à la société indienne tout en préservant habilement leur originalité. Il est significatif, par exemple, que le drapeau de la République indienne ait été conçu par une Parsie, Mme Cama. Et, comme certains hommes politiques parsis avaient milité dans les rangs du Parti du Congrès, la décolonisation de l’Inde s’est effectuée sans que la population parsie ait à en subir le contrecoup. Aujourd’hui, les Parsis sont citoyens à part entière de la République indienne.Mais cela même pose le problème de leur avenir en tant que communauté distincte. Indépendante et laïque, ouverte à toutes les ethnies, langues et croyances, la République indienne exige, en contrepartie, d’être une et indivisible. Aussi lutte-t-elle contre le particularisme et le «communalisme». Dans ces conditions, l’hypothèse la plus probable est que la communauté parsie en vienne à s’assimiler peu à peu au reste de la société indienne, surtout si les castes continuent à perdre lentement de leur importance et si la différence de statut économique devient déterminante pour les membres de cette société, comme c’est le cas en Occident avec les classes sociales. Actuellement, la communauté parsie fonctionne, à cet égard, comme un syndicat d’entraide matérielle et morale.Reste, pourtant, l’inconnue de l’impact des éléments cultuels et culturels. Le problème est de savoir dans quelle mesure les Parsis, ayant perdu leur caractère de caste à part, sauront tirer de la seule fidélité à la religion de leurs pères – adaptée, de surcroît, au monde contemporain – des facteurs suffisants de survie propre, ou s’ils sont destinés à se fondre progressivement dans la masse indienne.
Encyclopédie Universelle. 2012.